Le Guépard
« J’appartiens à une génération malheureuse, à cheval entre les temps anciens et les nouveaux, et qui se trouve mal à l’aise dans les deux. »
Elles sont rares les lectures qui nous marquent aussi profondément que « Le Guépard ». L’histoire prend place en 1860. La Sicile est alors en plein bouleversement suite à l’expédition des Mille menée par Garibaldi. L’ancien ordre social est sur le point d’être renversé. Le prince Salina, Don Fabrizio observe ce basculement de l’ancien monde rigide et décadent, de son ancien monde, qui se délite petit à petit devant lui. Le déclin de son prestige. « Le Guépard » c’est cela, le récit de la fin d’une époque. La chute de l’ancienne noblesse et l’ascension d’une nouvelle génération et les espoirs du Risorgimento. Mais est-ce que vraiment tout va changer ? Car comme le dit son neveu Tancredi, « il faut que tout change pour que rien ne change ». C’est par ce regard à la fois cynique ( « Nous fûmes les Guépards, les Lions ; ceux qui nous remplaceront seront les chacals et des hyènes ») et mélancolique face à ces changements, face à l’ascension de la bourgeoisie, qu’il observe comme étant seulement avide de profit et de pouvoir, que le prince de Salina a le sentiment de ne plus être en phase avec son époque, de « vivre dans un monde connu mais étranger qui avait déjà cédé toutes les impulsions qu’il pouvait donner et qui ne consistait plus désormais qu’en de pures formes ».
Un roman magnifique, d’une poésie incroyable, qui nous touche en plein cœur. Le portrait d’un homme face à une époque qui se meurt et d’une nouvelle qui éclot. Pleine d’espoir et d’espérance pour certains, pleine de doutes et de désillusions pour d’autres. Ce sont des pages magnifiques sur les pensées d’un homme qui sait que son époque n’est plus, sur la fuite inexorable du temps, la vie, la mort, le souvenir, le bonheur (« il voulait ramasser petit à petit hors de l’immense tas de cendres du passif les paillettes d’or des moments heureux »). Un chef d’œuvre.
AMAURY – LIBRAIRIE GARIN
